Technique d’approche. On déambule dans la galerie en admirant les dessins tapissant le mur. On s’approche à pas hésitants de l’artiste assise derrière son bureau. On aperçoit ses cheveux à travers la verrière qui sert de cloison. Les ampoules décoratives descendent très bas et l’on manque de s’en éclater une sur le front… la technique d’approche vire à la farce. C’est la cible elle-même qui nous vient à l’aide. « Bonjour bienvenue, je peux vous aider ? ». Finalement ce n’est pas compliqué.
Émilie Biens nous accueille en toute simplicité avec une invitation à s’asseoir sur une banquette parsemée de coussins moelleux. Cheveux peignés avec soin, lunettes hipster posées sur le nez et petit haut noir de satin sobre et efficace, elle saurait se faire passer pour une étudiante. Son rouge à lèvres contrastant avec sa peau claire et ses bottines à talon pourraient éventuellement lui donner une apparence intimidante. Mais c’est sans compter sur ses yeux grands ouverts traduisant un émerveillement propre à l’enfance qu’elle semble ne pas avoir perdu en grandissant.
Une jeune artiste ayant pris ses quartiers à Montmartre… pour le cliché on peut difficilement faire mieux. Mais voilà son CV est loin de se résumer à des sempiternels croquis en solitaire. On ne tarde pas à apprendre que la demoiselle a passé le CAPES en histoire, histoire de l’Art et géographie puis a été enseignante en ZEP. Comme si cela n’était pas suffisant, elle a aussi eu des commandes du Muséum national d’Histoire naturelle ainsi que de l’Aquarium tropical du Palais de la Porte Dorée. Et enfin, coup de grâce, l’illustratrice est autodidacte. En somme, un statut actuel qui pourrait facilement la rendre prétentieuse et hautaine. Mais non, la voilà qui nous reçoit comme des invités de marque.
L’ingénieuse artiste essaie de nous duper en se donnant des airs ordinaires mais la kyrielle d’œuvres exposées sur les murs nous rappelle à qui nous avons à faire. Difficile de savoir ce qui de ses mots ou de ses œuvres la raconte le plus. Du tableau représentant les toits de Paris à celui détaillant des poissons majestueux en passant par un portrait très expressif d’un poilu… la joyeuse bande des toiles signées E.B. semble crier que la demoiselle ne pouvait faire autre chose que de l’art. « Ma galerie me permet de vivre, et vivre dans tous les sens du terme ». « C’est sûr que je ne vais pas être riche, je le sais, mais je vis ». Émilie décrit alors son goût pour la rencontre, pour l’échange et son désir de partager avec les autres.
Émilie a beau avoir l’habitude d’être sous le feu des projecteurs, l’égocentrisme ne semble pas la menacer. Elle reste avant tout tournée vers les autres. C’est ainsi que son passé d’enseignante a su être mis à profit dans sa nouvelle vie. « Je donne des cours à des enfants et des adultes ». Notre regard court à nouveau, passant sur l’étagère où sont classés des arcs en ciel de feutres ainsi que des pots entiers de stylos noirs. Au bout de la pièce, au-dessus de la table servant pour les ateliers qu’elle dirige, sont exposés des dessins d’animaux. Une tête de lion détaillée jusqu’au bout des moustaches, un écureuil dont le pelage semble réel, toute une faune aux mille contrastes. Des modèles qu’elle a fait ? « Non ça ce sont les dessins de mes élèves, le plus jeune a 6 ans et demi. »